FESTIVAL D'AVIGNON IN

Jean-Pierre Han

22 juillet 2019

in Critiques

L’événement du festival ?

Outside de Kirril Sebrennikov. L’autre scène du Grand Avignon-Vendène. Jusqu’au 23 juillet à 15 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

C’est, paraît-il, l’événement du Festival. Soit. Mais on est en droit de se poser la question de savoir comment cet Outside, un titre qui nous renvoie curieusement à l’Outside de Marguerite Duras, aurait été reçu s’il n’était pas l’œuvre de Kirill Serebrennikov, en plein démêlé avec la justice de son pays, assigné à résidence et donc interdit de circuler et encore moins de venir à Avignon ? Ce spectacle, il n’a d’ailleurs pu le faire répéter que par Skype… Comment surtout aurions-nous accueilli les œuvres du photographe chinois Ren Hang à qui Kirill Serebrennikov rend hommage dans son spectacle ? Car Outside fonctionne sur deux volets, l’un où l’homme de théâtre par ailleurs également réalisateur de cinéma, se met lui-même en scène avec son double, enfermé dans sa chambre aux dimensions d’une cellule de prison, l’autre volet rendant hommage à l’artiste chinois qui était également poète, multipliant les figures de scènes tirées de son œuvre photographique que l’on a pu voir à la Maison européenne de la photographie il y a quelques mois à Paris. Une « histoire » accompagne la relation entre les deux hommes. En effet Kirrill Serebrennikov, après avoir découvert Ren Hang, voulait réaliser une projet commun avec lui. Il avait réussi à le contacter et les deux artistes devaient se rencontrer. Mais deux jours avant le rendez-vous, Ren Hang se défenestrait… La rencontre se fait donc aujourd’hui seulement et sur le plateau, non pas avec l’artiste, mais avec son œuvre revisitée et retranscrite théâtralement. Cette retranscription, pour aussi fidèle qu’elle est, parvient-elle vraiment à rendre compte de l’œuvre de Ren Hang ? Autrement dit le passage de la photo à la scène parvient-il vraiment à rendre justice à l’œuvre du photographe ? Pas si sûr que cela, même si l’artiste est représenté sur scène (par Evgeny Sangadzhiev) en plein travail de création, et aussi en dialogue avec l’assigné à résidence (Odin Lund Biron). Un point commun douloureux reliait les deux hommes. Ne revenons pas sur l’abjecte situation de Kirrill Sebrennikov en Russie, Ren Hang, de son côté, même s’il n’avait pas d’intention politique déclarée et ne pensait pas faire œuvre de provocation, était en butte aux autorités chinoises, peu enclines à admettre le nu qui n’a jamais été traité dans le pays, et était suspecté de sexe et de pornographie… Dans la représentation que donne le metteur en scène russe de l’œuvre de Ren Hang nous sommes souvent plus proche d’une revue kitsch qui relègue au second plan ce qui était peut-être le thème même du spectacle : la rencontre entre deux artistes, Kirril Sebrennikov (les scènes kafkaïennes teintées d’humour de son arrestation sont superbes) et Ren Hang. On ne peut que le regretter.

Jean-Pierre Han