Coup d'épée dans l'eau

Jean-Pierre Han

13 novembre 2018

in Critiques

Stück plastik de Marius von Mayenburg. Mise en scène de Maïa Sandoz. Manufacture des œillets, CDN du Val-de-Maren, jusqu’au 16 novembre, puis tournée. Tél. : 01 43 90 11 11.

La première question que l’on se pose en voyant Stück plastik de Marius von Mayenburg est de savoir pourquoi Maïa Sandoz est allée dénicher cette pièce d’une insigne médiocrité, même si l’auteur jouit d’une belle réputation que sa régulière collaboration avec Thomas Ostermeier n’a fait qu’accroître. Restait à savoir comment la metteuse en scène allait se tirer d’affaire avec une telle matière. Elle est malheureusement à hauteur de la « qualité » de la pièce. Dans un dispositif scénique quadri frontal parfaitement vain, mais qui « permet » quelques incursions des comédiens dans le public (quelle audace !), ce qui se déroule sur ce qui tient lieu de scène ne présente pas grand intérêt. Sur une thématique que l’on a vu traitée ailleurs avec talent cette fois-ci (on songe au Théorème de Pasolini), c’est-à-dire l’intrusion d’une personne, ici une femme de ménage, dans une cellule familiale composée d’un mari chirurgien, de sa femme, assistante d’un « grand » artiste dont, hélas, nous subirons le présence, et d’un fils adolescent, cette intrusion va finir par tout faire voler en éclats… À vouloir dénoncer ce petit monde de la bourgeoisie bien pensante, Marius von Mayenburg tombe dans le piège et nous livre une pièce aux limites du boulevard avec ses codes et ses tics, quand elle n’y tombe pas carrément sous la houlette de Maïa Sandoz. J’entends bien que c’est sans doute cela qu’ils entendent subvertir, mais faire de l’anti-boulevard c’est encore et toujours faire du boulevard comme l'affirmait le théoricien Bernard Dort, et nous y sommes bel et bien ici. On reste ainsi consterné de voir ce que nous propose Serge Biavan en artiste à l’ego surdimensionné : a-t-il seulement été dirigé ?, alors que l’on a peine de voir une excellente comédienne comme Aurélie Verillon tâtonner pour se mettre au diapason de l’ensemble, quant au jeune garçon, Maxime Coggio, sans doute faudrait-il lui indiquer que la pire des chose lorsque l’on joue le rôle d’un enfant est de faire l’enfant justement et de bêtifier. C’est Paul Moulin qui, en fin de compte, arrive à s’en sortir plus ou moins au fil de la pièce, sachant que Maïa Sandoz dans le rôle de Jessica, la femme de ménage, se trompe carrément de registre de jeu et nous emmène du côté de l’apathique Yvonne princesse de Bourgogne de Gombrowicz… Pas franchement réjouissant.

Jean-Pierre Han