FESTIVAL D'AVIGNON IN

Jean-Pierre Han

16 juillet 2018

in Critiques

Le genre… théâtral

Trans (més enllà) de Didier Ruiz. Gymnase du Lycée Mistral. Jusqu’au 16 juillet à 22 heures. Tél. : 04 90 14 14 14. festival-avignon.com

Didier Ruiz, par sa manière d’envisager et de pratiquer son activité, occupe une place bien particulière au cœur du monde théâtral. Son avant-dernière production notamment, Une longue peine, nous en donne une idée bien précise : il avait recueilli les paroles de personnes ayant connu la prison mettant l’accent sur la question de l’enfermement. Avec Trans (més enllà) il poursuit son exploration de l’enfermement, mais cette fois-ci saisie (et mises au jour) dans les corps mêmes des personnes présentes sur scène. Soit cette fois-ci sept témoins choisis parmi de nombreux autres (c’est sans doute là d’ailleurs, dans ce choix, le premier acte théâtral de Didier Ruiz). Sept personnes donc, sept transsexuels barcelonais, quatre femmes et trois hommes de 22 à 60 ans invités à parler sur le plateau de leur vécu, de leur expérience, ce qui ne leur confère en rien, en tout cas comme peut le concevoir le public, le statut de comédien. À moins que… mais la question est bien celle-ci : sommes-nous au théâtre, et si oui, quels sont les éléments qui nous y mènent ? Question oiseuse ? Mais puisqu’il est question ici de genres (de transgenres), jouons sur les mots, et parlons du genre de l’objet présenté sur scène… Sommes-nous devant un objet théâtral ? Cette interrogation évacuée, reste ce qui est l’ordre du témoignage, mis en scène (mais oui) avec délicatesse et pudeur par Didier Ruiz aidé pour l’occasion par le chorégraphe Tomeo Vergès, dans une scénographie élégante d’Emmanuelle Debeusscher. Seules quelques animations visuelles et sonores viendront apporter une respiration entre les témoignages des uns et des autres. Pas de pathos, une parole simple et d’autant plus forte émise par les témoins immobiles face au public. Histoires bouleversantes certes que l’on imagine choisies parmi bien d’autres sans doute tout aussi bouleversantes. On est saisi, mais au final on se demande s’il faut vraiment applaudir. Car enfin qu’applaudit-on au juste ? La « performance » des témoins, leur courage ? On ne sait trop.

Jean-Pierre Han