Fête théâtrale

Jean-Pierre Han

10 mars 2018

in Critiques

Festival En Acte(s) au TNP Villeurbanne : la 3e semaine du mercredi 14 au samedi 17 sera consacrée à la francophonie. Tél. : 04 78 03 30 00 et tnp-villeurbanne.com

Cette quatrième édition du festival En Acte(s) qui se déroule sur trois semaines (jusqu'au 17 mars) tombe à point nommé au moment même où le tout petit monde des auteurs de théâtre est en pleine ébullition suite à un dossier plutôt anodin paru il y a quelques semaines dans Libération, « dossier » – mettons bien le terme entre guillemets – au titre aguicheur comme le veut la loi du journalisme, fait de bric et de broc faute d'une vraie connaissance du sujet. En Acte(s), lui, fait la fête aux auteurs et a trouvé cette année un bel hébergement au TNP de Villeurbanne, ce qui semble aller de soi puisque son initiateur et responsable, Maxime Mansion, est un ancien de la troupe du TNP où il est entré en 2012 quelque temps après sa sortie de l'Ensatt. Rien d'étonnant si on le retrouve depuis l'an dernier dans le Cercle de formation et de transmission du même TNP avec trois autres metteurs en scène. En Acte(s) est consacré aux écritures contemporaines donc, mais pas que. Jeunes acteurs, tous issus de l'Ensatt et metteurs en scène sont de la partie et doivent respecter les règles du jeu. Soit, après une commande passée à des auteurs pour l'écriture d'un texte ne devant pas excéder une heure lors de sa représentation, des consignes très strictes concernant le temps d'élaboration avec un metteur en scène. Les spectacles doivent ensuite être joués par cinq comédiens au maximum, tous issus de l'Ensatt, partenaire naturel de l'opération, sans régie lumière et sans régie son, mais avec tout de même une scénographie qui ne peut qu'être sommaire et inventive dans ce vrai travail de tréteaux. Des tréteaux que l'on a retrouvés dans la salle mise à la disposition du festival et qu'un autre lieu convivial jouxte ; là tout le monde est convié à se regrouper entre chaque proposition pour pouvoir discuter autour d'un verre. L'ensemble (bar et salle d'exposition), a été intelligemment pensé. On n'omettra pas aussi de mentionner une autre contrainte faite aux auteurs et sur laquelle il y aurait matière à discussion : écrire un texte qui fait écho à l'actualité… En tout dix pièces, dont deux plus spécifiquement destinées à un jeune public, sont proposées aux spectateurs qui participent eux aussi à l'expérience, car d'une certaine manière c'est sans doute dans cet état d'esprit que ces derniers doivent aborder l'intégrale d'une journée de présentation comportant 5 spectacles. Si c'est bien la globalité de l'opération qui fait sens, on ne peut s'empêcher d'établir dans un vieux réflexe une certaine hiérarchie dans les spectacles représentés, cinq donc lors du premier week-end. Et à ce jeu, pas vraiment dû au hasard, le point culminant de la journée (et de la soirée) aura été les Morts intranquilles du burkinabé Aristide Tarnagda, monté par Sylvie Mongin-Algan. Le texte prend à bras-le-corps et sans complexe l'injonction de faire écho à l'actualité. Photo de Thomas Sankara bien mise en évidence, discours de Macron aux Africains retransmis à la télé dans un bar de Ouagadougou, et apparition finale de Blaise Compaoré venu se confier à la patronne du bistrot et cracher sa mauvaise conscience d'avoir trahi son ami. La pièce d'Aristide Tarnagda est portée par une langue lyrique de toute beauté, et en metteuse en scène d'expérience, Sylvie Mongin-Argan tire le meilleur parti des comédiens. Tous sont parfaits dans des registres pas forcément évidents. Difficile sans doute de succéder à ces Morts intranquilles. Kevin Keiss qui commence déjà à avoir de la bouteille et sait donc y faire, relève vaillamment le pari. Sa pièce, Irrépressible, tient la route grâce notamment à une comédienne, Juliette Savary, qui fait feu de tout bois sous la houlette de Baptiste Guiton, un autre membre du Cercle de formation et de transmission. On citera pour mémoire les trois autres duos visionnés, ceux composés de Thibault Fayner et d'Anne-Laure Sanchez, de Julie Ménard et de Lucie Rébéré, de Théophile Dubus et de Sylvère Santin dont les travaux demeurent à l'état d'essais. Mais il faut saluer l'ensemble des comédiens qui défendent avec une rare conviction ces travaux en cours…

Jean-Pierre Han

Tous les textes sont publiés dans En Acte(s), 2018, Textes à jouer. 406 pages.