Une double partition

Jean-Pierre Han

11 juillet 2016

in Critiques

AVIGNON OFF

L'Homme assis dans le couloir de Marguerite Duras. Mise en scène de Gabriel Garran, Le Petit Louvre, salle Van Gogh, Avignon. À 19 h. Tél. : 04 32 76 02 79.

Tout au long de son très riche parcours Gabriel Garran nous a toujours proposé des textes rares, d'auteurs parfois quasiment inconnus ou tombés dans l'oubli. Dernièrement encore il sortait de l'ombre Mireille Havet dans un très beau spectacle qui malheureusement après sa création chez Armand Gatti à Montreuil, n'a pas trouvé preneur. La prise de risque (un risque qu'ils s'inventent parfois) est très limitée chez les directeurs de théâtre et autre programmateurs. Pour ne pas faillir à son engagement, Garran nous offre cette fois-ci un texte de Marguerite Duras, un auteur qu'il a déjà fréquenté, notamment en adaptant et en mettant en scène Un barrage contre le Pacifique. Inutile de préciser que Marguerite Duras est bien sûr loin d'être un auteur inconnu ! Avec L'Homme assis dans le couloir, qui se donne en ce moment au Petit Louvre à Avignon on ne peut pas vraiment parler non plus à son propos de texte rare d'autant qu'il a même fait l'objet d'une publication en 1980 aux Éditions de Minuit. S'il est rare c'est sans doute dans le sens de la mise en exergue de sa qualité. Une qualité que semble néanmoins lui dénier quelques spécialistes et proches de l'œuvre de l'auteur en l'oubliant volontairement ou non dans leur recension. Garran nous permet donc de juger sur pièce. Sa démonstration est d'autant plus parlante qu'elle est portée sur scène par une comédienne étonnante dans sa belle singularité, Marie-Cécile Gueguen. Elle donne corps avec une grâce infinie à la parole de Marguerite Duras dans ce court récit où ce que Garran appelle "la partition textuelle" d'une rare sobriété et d'une grande intensité et "la partition sexuelle" (le sujet du texte) finissent par ne plus faire qu'un dans la volonté de l'auteur à mener cette double expérience jusqu'au bout des limites. Elle aura rarement été aussi loin dans cette introspection intime. C'est passionnant parce que parfaitement réglé, alors que l'on est heureux de retrouver les fidèles Franck Thévenon à la lumière, Pierre-Jean Horville aux sonorités… dans cette belle aventure.

Jean-Pierre Han