Théâtre de l'absurde juif

Jean-Pierre Han

11 juin 2016

in Critiques

Mazel Tov tout va mal de Jean-Henri Blumen. Mise en scène de Mariana Araoz. Théâtre Essaïon les jeudi, vendredi et samedi à 19 h 30. Jusqu'au 18 Juin. Tél. : 01 42 78 46 42.

Grand admirateur – on le comprend et le suit aisément sur ce chemin – du célèbre écrivain yiddish Choleim Aleikhem, disparu il y a tout juste cent ans, Jean-Henri Blumen qui possède un beau brin de plume a décidé de mettre ses pas dans ceux de son idole et de lui rendre hommage de la manière la plus directe possible. À telle enseigne que les arguments de deux des trois séquences de son Mazel Tov tout va mal sont directement tirés de nouvelles de Choleim Aleikheim qui apparaîtra même sur scène incarné par René Hernandez dans la première d'entre elles. Mettre ses pas dans ceux du célèbre écrivain, c'est tout simplement tenter de retrouver son esprit, celui d'une certaine légèreté (qui a toujours été le masque de la pudeur) teinté d'un réel humour. Choleim Alekheim, on le sait, excellait dans ces registres qui ont fait sa notoriété, ne cessant de créer des situations développées jusqu'à l'absurde ; voilà d'ailleurs qui le rapproche du théâtre des années 1950 en France. Les trois pièces de Jean-Henri Blumen fonctionnent sur le même système, pour notre plus grand plaisir, au point que le spectateur finit pas s'y perdre jusqu'à la chute finale. À ses qualités d'écriture Jean-Henri Blumen ajoute un talent musical certain : il avait d'ailleurs jadis créé et dirigé un ensemble de musique et de danse, l'Ensemble Kol Aviv. C'est lui qui, ici, et tout naturellement, a composé l'accompagnement musical, klezmers, du spectacle. En toute discrétion mais grande justesse et efficacité. Avec tous ces éléments, et avec un distribution composée de quatre formidables acteurs qui assument en authentiques frégolis la quinzaine de rôles des pièces, la metteuse en scène Mariana Araoz n'a plus qu'à prendre le relais et faire montre de tout son savoir-faire qui est grand, notamment pour ce qui concerne le jeu masqué. Elle ne se prive pas de l'aubaine, et dans l'écrin d'une belle scénographie de Marta Cicionesi qui s'inspire à bon escient de l'œuvre du peintre et sculpteur Alain Kleinmann, le quatuor – Christian Abart, Sophie Accaoui, Francesca Congiu en alternance avec Yasmine Nadifi, René Hernandez – elle s'en donne à cœur-joie, presque trop même, la pièce de Jean-Henri Blumen n'en exigeant peut-être pas tant.

Jean-Pierre Han