Vassiliev par lui-même

Jean-Pierre Han

22 mars 2016

in Critiques

La Musica et La Musica deuxième de Marguerite Duras. Mise en scène d'Anatoli Vassiliev. Théâtre du Vieux-Colombier. Jusqu'au 30 avril. Tél. : 01 44 58 15 15.

Figure aussi essentielle que singulière du monde du théâtre d'aujourd'hui Anatoli Vassiliev ne déroge guère à ce qui fait justement sa singularité. Bien au contraire, à telle enseigne que le petit programme édité par la Comédie-Française qui l'accueille au Vieux-Colombier publie les témoignages de quatre interprètes passés par les mains du Maître pour en dire plus sur sa « méthode » de travail. Thierry Hancisse et Florence Viala donc, les principaux protagonistes de La Musica et la Musica deuxième de Marguerite Duras, à qui Catherine Salviat et Céline Samie, qui jouèrent jadis dans Le Bal masqué et Amphitryon, ont donc également été convoqués et viennent prêter main forte. Autant dire que leurs propos, on s'en doute, sont pour le moins dithyrambiques et tout de même, pour le profane, plutôt étranges, voire paradoxaux. Surtout après vision du spectacle proposé. « La méthode inventée par Anatoli Vassiliev est unique et lui seul peut véritablement la transmettre. Il procède comme s'il inversait l'ordre de lecture de droite à gauche ou faisait marcher les pendules à l'envers, ce qui demande un véritable effort physiologique » dit l'une (Florence Viala). « Il étudie la Musica deuxième de façon transversale, verticale, horizontale car c'est une œuvre extrêmement fragmentée » dit l'autre (Thierry Hancisse). Passons… mais citons tout de même la conclusion de Florence Viala : « Ce processus est dément ». On ne saurait mieux dire… Car enfin que reste-t-il des textes de Marguerite Duras sur le plateau ? Épuisé, malgré sa bonne volonté, mais scotchés bien deçà de ces hautes sphères, le public se noie notamment dans la Musica deuxième, reprise à quelques variantes près de la Musica, textes dans lesquels l'auteure n'hésitait pas elle-même à jouer de la répétition et du ressassement. Ne restent sur le plateau que des gammes effectuées par Florence Viala et Thierry Hancisse (on passera sous silence les trois autres ex-élèves de Vassiliev), démonstrations de la fameuse méthode Vassiliev. En fin de compte, c'est de lui et uniquement de lui (de sa fameuse méthode), dont il est question. On ne peut qu'admirer la pugnacité de Florence Viala et de Thierry Hancisse qui se prêtent à cette démonstration. Ils ont dans les différents registres de jeu que leur impose Vassiliev des hauts et des bas ; on le comprendrait à moins. Pas vraiment sûr que les textes de Duras en soient régénérés. Ce qui, en revanche, apparaît au grand jour ce sont ses défauts ce qui ravira les détracteurs de l'auteure…

Jean-Pierre Han