Plaisir du théâtre retrouvé

Jean-Pierre Han

15 juin 2015

in Critiques

La Vie de Galilée de Bertolt Brecht. Mise en scène de Jean-François Sivadier. Le Montfort théâtre, jusqu'au 21 juin à 20 heures. Tél. : 01 56 08 33 88.

Au fil des années la percutante alacrité de La Vie de Galilée de Brecht revue et corrigée par Jean-François Sivadier et ses camarades avec toujours Nicolas Bouchaud dans le rôle-titre s'avère de plus en plus juste et nécessaire. Le monde, depuis 2002, date de la création du spectacle, s'est un peu plus enfoncé dans le chaos et la morosité, voilà une excellente raison – et La Vie de Galilée en est donc une – pour prendre son contrepied. Montée, démontée, remontée, La Vie de Galilée de Brecht version Jean-François Sivadier dans la traduction française d'Eloi Recoing, tient manifestement le coup : la fable de l'auteur demeure parfaitement claire et lisible. Un paradoxe si on veut bien considérer que Sivadier fait usage de tous les ingrédients mille fois utilisés jusqu'à plus soif par les « jeunes collectifs émergents » qui s'évertuent à vouloir montrer de manière ostentatoire leur impertinence et qui, la plupart du temps, ne font preuve que d'un manque d'imagination et d'une grande platitude. Ce qui est horripilant chez eux est jouissif chez Sivadier : adresses au public avec allusions à l'actualité, fausses improvisations, volonté de montrer que l'on est bien au théâtre et que l'on joue (à jouer pour de vrai et de manière décalée), mise à distance du sujet avec scène de clowns (avec tout particulièrement Lucie Valon, une talentueuse « spécialiste » du genre) au milieu d'un sujet si grave, etc. Tout cela que l'on déteste par ailleurs, nous l'acceptons avec joie ici parce qu'il y a à la base de tout cela une authentique réflexion sur la fable de l'auteur (Brecht en l'occurrence), une maîtrise de tous de la chose théâtrale, une imagination débordante au point d'en être vertigineuse. Avec Galilée apparaît un nouvel ordre du monde. Lequel monde n'est lui-même plus le centre de l'univers ! Passage emblématique du 16e au 17e siècle pourrait-on dire. Bien évidemment représenté par l'Église et l'Inquisition le vieux monde ne se laissera pas faire. Galilée en véritable jouisseur de la vie et de la pensée, et pour ne pas finir sur un bûcher comme Giordano Bruno, préférera abjurer ses théories tout en continuant à travailler, avec ruse, pour l'avenir… Du Brecht pour jus en somme… L'aventure galiléenne se poursuit avec le même noyau de comédiens (Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Éric Guérin, Christophe Ratandra, Nadia Vonderheyden auxquels sont venus se joindre cette fois-ci Éric Louis ou encore Lucie Valon), un véritable bonheur.

Jean-Pierre Han