Petites et grande histoires

Jean-Pierre Han

8 mars 2015

in Critiques

En route-Kaddish de et avec David Geselson. Théâtre de la Bastille, du 15 au 22 mars. Tél. : 01 43 57 42 14.

C'est une très belle et singulière invitation que nous fait le comédien David Geselson dont En route-Kaddish est le premier essai théâtral qu'il assume totalement, de l'écriture au jeu en passant par la mise en scène. Belle et singulière invitation pour entrer dans l'intimité d'un parcours, le sien indissociablement lié ou parallèle à celui de son grand-père, mort en 2009 à Jérusalem, et dont il réinvente l'histoire. À sa manière, entre mythologie familiale, inventions et faits historiques. David Geselson s'introduit dans les méandres de l'histoire de son aïeul, Yehouda Ben Porat, né en 1914, parti en Palestine en 1934, pour vivre l'utopie des kibboutz, avant de partir, déçu, aux États-Unis dans les années soixante. Il reviendra en Israël un peu plus tard et y fondera un Institut de recherche sur l'histoire d'Israël, lui qui aura vécu toute l'histoire de ce pays, entre rêve et réalité, entre espoir et déception, alors même qu'au plan de sa vie privée il aura aimé et recherché une femme qu'il a connue un temps sans jamais pouvoir la revoir. À sa mort David Geselson a trente ans, part pour le Japon après une rupture amoureuse, cherche lui aussi son chemin, croise à nouveau celui de son grand-père, et du coup, comme il le dit clairement « nous sommes deux, Yehouda et David, à nous raconter »… À raconter, à se raconter et à se reconstruire. Cette recherche se développe étape après étape sur le plateau, tout en refusant de dire son nom : David Geselson invente une nouvelle manière de nous faire participer à sa quête, abolissant la frontière qui sépare la scène de la salle, s'adressant directement au public à qui il fait passer des documents photographiques concernant son grand-père. Ce qu'il entreprend est tout à fait étonnant. D'une certaine manière il invente une nouvelle forme de récit et de jeu avec la complicité d'Elios Noël qui interviendra un peu plus tard, et dans une scénographie de Lisa Navarro, un « coin » bureau avec quelques livres, quelques écrans, un ordinateur… rien que de très banal et quotidien. Une simplicité travaillée qui en dit plus que de longs discours. C'est remarquable d'intelligence.

Jean-Pierre Han