Fausse monnaie

Jean-Pierre Han

12 décembre 2014

in Critiques

Le Goût du faux et autres chansons. Mise en scène de Jeanne Candel. Théâtre de la Cité internationale jusqu'au 13 décembre 2014, puis tournée à Toulouse, Vanves et Valenciennes en 2015.

La seule question qui se pose au sortir de la représentation du Goût du faux et autres chansons mis en scène par Jeanne Candel et sa compagnie de La Vie brève est de savoir pourquoi ce spectacle suscite un tel enthousiasme auprès du public, relativement jeune, mais pas seulement. Un enthousiasme qui pourra paraître démesuré par rapport à la proposition du groupe, car Le Goût du faux… a beau être un spectacle sympathique, bien réglé, bien joué, de manière convenue certes mais bien tenue, il est franchement difficile d'en parler en termes éminemment laudateurs. Chercher les raisons d'un tel succès, c'est pointer du doigt un certain nombre de particularités d'un public bien-pensant lequel n'aime rien tant que d'avoir l'esprit tranquille (on peut le comprendre au vu de la marche du monde) lorsqu'il fait l'effort de se rendre dans une salle de spectacle, avec juste ce qu'il faut de (fausse) audace, avec l'assurance de finalement toujours s'y retrouver, conforté dans ses propres convictions. Pourquoi pas ? Mais que l'on ne nous ne dise pas qu'il y a dans Le Goût du faux ce qu'il est tout de même difficile d'y trouver, comme voudraient nous le faire accroire interviews et documents qui accompagnent le spectacle. Que Jeanne Candel et ses compagnons aient du savoir-faire, c'est indéniable, mais côté conduite dramaturgique il y a vraiment des hauts et des bas. Les séquences s'enchaînent plus ou moins bien et le discours distillé reste vraiment à la surface des choses, et ne casse pas trois pattes à un canard. Le spectacle joue habilement de ce vide (de la pensée) et du plein (des images) : cela ne peut que plaire dans la mesure où, finalement, cela fonctionne sur le même modèle que les sketches à un, deux, voire trois personnages bien typés que l'on retrouve sur des scènes conventionnelles. Et surtout on reste dans la connivence et l'entre-soi. Avec force « plaisanteries » de camarades ayant fréquenté les mêmes cours d'art dramatique. On retrouve ainsi pêle-mêle de nombreuses allusions à tel ou tel, Heiner Müller, Pina Bausch, Ovide, la peinture flamande du XVIIe siècle, etc., le goût du faux (les citations) avec mélange de registres et musique ad hoc, avec quand même, ici et là un début de réflexion sur la mort et la… brièveté de la vie (voir le nom de la compagnie). Un spectacle à ne pas prendre pour ce qu'il n'est pas en faisant de sa responsable, Jeanne Candel, une égérie du « nouveau » théâtre.

Jean-Pierre Han