Le manège de "Liliom"

Jean-Pierre Han

5 octobre 2014

in Critiques

Liliom ou la vie et la mort d'un vaurien de Ferenc Molnar. Mise en scène de Jean Bellorini. Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Jusqu'au 12 octobre. Tél. 01 48 13 00.

Liliom du hongrois Ferenc Molnar, une pièce vieille de plus d'un siècle, mais qui nous parle toujours et que l'on a plaisir à retrouver à chacune de ses représentations, nous est proposé cette fois-ci par Jean Bellorini, le tout nouveau directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis qui n'hésite pas à se permettre quelques « petites » fantaisies, comme celle consistant à faire occuper tout l'espace de la scène par une piste d'auto-tamponneuses en référence sans doute au fait que le personnage principal, Liliom donc, travaille dans un manège. Une liberté et une fausse bonne idée si l'on veut bien considérer que l'auteur, dans ses indications scéniques situe l'action de sa pièce… ailleurs (« dans un coin du Bois de Ville de Budapest », etc.), et si l'on veut bien se souvenir aussi de ce qu'avait pu réaliser jadis, avec le même dispositif, Alain Platel dans son Bernadetje. Rappelons d'ailleurs que ce Liliom mis en scène par Jean Bellorini avait été créé en 2013 au Printemps des Comédiens à Montpellier, en plein air et dans un lieu qui convenait parfaitement aux désiderata de l'auteur (et donc sans auto-tamponneuses !). La représentation de cette « Légende de banlieue en sept tableaux » (c'est le sous-titre de la pièce) au Théâtre Gérard-Philipe suit les mouvements d'un manège : elle a des hauts et des bas. Découpée en sept tableaux donc, sept séquences, Bellorini trouve ses marques. Le découpage lui permet de faire intervenir, comme à son habitude, chœur et orchestre qui malheureusement cette fois-ci ne sont pas très inspirés. Intervient également un comédien (plutôt raide) chargé de faire la liaison entre les séquences, un procédé dont on aurait pu se passer. Reste tout de même le meilleur, c'est-à-dire l'interprétation, notamment celle du couple central composé de Julien Bouanich (Liliom) et de Clara Mayer (Julie, sa femme) bien aidé par leurs camarades de plateau. Entre rire et émotion la troupe évolue avec bonheur, mais on pourra quand même se poser la question de savoir s'il est vraiment pertinent de jouer sur le registre, non pas du comique, tout à fait légitime et bien réalisé celui-là, mais sur celui de l'ironie qui crée une distance qui n'a rien de brechtienne.

Jean-Pierre Han

Ferenc Molnar : Liliom, trad. du hongrois par Kristina Moati et Stratis Vouyoucas. Éditions Théâtrales/Maison Antoine Vitez, 92 pages, 13,50 euros.