Danse macabre

Jean-Pierre Han

16 juillet 2014

in Critiques

Festival d'Avignon

Huisde Michel de Ghelderode et Josse de Pauw. Mise en scène de Josse de Pauw. Musique de Jan Kuijken. Cloître des Célestins, jusqu'au 17 juillet à 22 heures. Tél. : 04 90 14 14 14.

Presque totalement disparu de notre univers théâtral, l'auteur belge d'origine flamande Michel de Ghelderode, auteur d'une soixantaine de pièces écrites en français, réapparaît aujourd'hui par la grâce de son compatriote Josse de Pauw. Rien là que de très naturel si on veut bien considérer que les deux hommes semblent avoir baigné dans les mêmes eaux de la culture flamande. Voilà d'ailleurs quarante ans que le metteur en scène entretient une relation privilégiée avec le dramaturge disparu en 1962 ; on comprendra que son travail sur deux pièces en un acte de Ghelderode, Le Cavalier bizarre et Les Femmes au tombeau soit d'une réelle justesse, lui-même n'ayant pas hésité par ailleurs à mettre la main à la pâte (il est également auteur) dans la deuxième pièce. Nous avons donc réellement une œuvre réalisée conjointement par Michel de Ghelderode et Josse de Pauw à laquelle il faut ajouter le nom du compositeur Jan Kuijken dont le travail sur Huis (c'est le nom du spectacle qui joue sur sa double signification néerlandaise – maison –, et française – porte) est essentielle. Pour une réalisation qui s'avère être une vraie réussite. Le dispositif même du spectacle, avec une première partie entièrement assumée par des hommes – vieillards d'un hospice parmi lesquels se trouve Josse de Pauw en personne, dans l'attente craintive de la mort annoncée sous l'apparence d'un « cavalier bizarre » qui finira par emporter une « petite ombre », un enfant, puis une seconde entièrement occupée par des femmes, qui toutes ont approché le Christ sur la croix et qui prétendent chacune être la seule bénéficiaire de ce « privilège »… Les tableaux composés dans un dispositif scénographique d'une grande mais efficace simplicité sont de toute beauté. Ils sont découpés au couteau, et l'on sent véritablement – musique à l'appui – le souffle de la mort balayer le plateau. L'ange du bizarre règne sur ce plateau, un ange au visage boursouflé, ricanant, grimaçant, baroque à souhait, et menant la danse d'un drôle de carnaval… une variation de la Balade du Grand macabre (titre d'une autre grande pièce de Ghelderode) en quelque sorte.

Jean-Pierre Han