Une belle présence…

Jean-Pierre Han

4 mai 2014

in Critiques

L'Homme atlantique de Marguerite Duras. Mise en scène et interprétation de Viviane Théophilidès. Théâtre Artistic-Athévains. Jusqu'au 11 mai. Tél. : 01 43 56 38 32

L'absence, la perte, l'évanescence… toutes les œuvres de Marguerite Duras, quels que soient leurs registres portent la marque de ces notions par ailleurs proches les unes des autres. Dans l'Homme atlantique elles sont pour ainsi dire portées à leur point d'incandescence. Ce très court texte est issu du scénario du film éponyme réalisé en partie avec les chutes d'un autre film, Agatha et les lectures illimitées, lui-même réalisé à partir d'un « dialogue pour le théâtre ». Il en est souvent ainsi chez Marguerite Duras : le cheminement de son écriture passant par différentes formes. L'homme atlantique c'est Yann Andréa le compagnon de ses seize dernières années de vie. Présent/absent suivant les circonstances de la vie quotidienne entre un homme et une femme. C'est lui, l'unique « acteur » du film et du texte, un acteur devant répondre aux injonctions lancées par l'auteur, Marguerite donc. « Vous ne regarderez pas la caméra. Sauf lorsqu'on l'exigera de vous »… tel est le début de ce qu'il faut bien appeler une disparition. L'acteur devant devenir l'absent de toutes choses, jusqu'à ce que l'écran (pour le film) se vide ou devienne noir. Jusqu'à sortir du « champ de la caméra », alors l'auteur pourra dire : « vous êtes absent ». « Avec votre départ votre absence est survenue, elle a été photographiée comme tout à l'heure votre présence ». L'Homme atlantique c'est l'impossible relation entre un homme et une femme. Comment dire cela ? Comment matérialiser un tel constat sur scène, faire vivre cette disparition ? C'est cette impossible équation que Viviane Théophilidès parvient à résoudre. Sans éclat ni ostentation, mais avec une discrète autorité. Elle réussit à investir les mots de Marguerite Duras de l'intérieur et à leur donner vie et… présence, habitant le plateau quasiment nu qu'occupent seulement un vieux projecteur de cinéma et un fauteuil. Il s'agit là d'un véritable tour de force qui a la pudeur de ne pas se présenter comme tel.

Jean-Pierre Han