Virtuosité de Bob Wilson

Jean-Pierre Han

18 décembre 2013

in Critiques

Peter Pan, le conte du garçon qui ne voulait pas grandir de James Matthew Barrie. Mise en scène de Robert Wilson. Théâtre de la Ville. Festival d'automne. Jusqu'au 20 décembre à 20 h 30. Tél. : 01 42 74 22 77

Les temps le veulent : les personnages de James Matthew Barrie, Peter Pan, Wendy and C° ont très opportunément envahi nos scènes. Rien d'étonnant pour ce qui concerne le travail de Christian Duchange qui, en matière de spectacles pour jeune public, est une référence, mais que dire lorsque dans sa dernière création, Tout le ciel au-dessus de la terre, la sulfureuse Angelica Liddell prend soin de nous préciser dans une parenthèse qui accompagne le titre qu'il est bien question du Syndrome de Wendy. Point besoin de tant de précisions pour la contribution de Robert Wilson : son spectacle s'intitule Peter Pan en toute simplicité. On a seulement rajouté sur le programme, à côté de sa signature, les noms de l'auteur (c'est la moindre des choses), mais aussi ceux du Berliner Ensemble et de CocoRosie, le groupe musical composé des deux sœurs Casady, Sierra (qui interprète le rôle de la fée Clochette) et Bianca. Ajouts capitalissimes qui permettent de mieux comprendre ce qui fait l'absolue réussite du spectacle. Car l'interprétation des acteurs du Berliner Ensemble est tout simplement éblouissante, avec en tête de liste « le garçon qui ne voulait pas grandir », le très fin Sabin Tambrea, ou encore le troublant capitaine Crochet, Stefan Kurt… mais c'est toute la distribution très importante qu'il faudrait citer car tous les personnages de Barrie sont bien là, individuellement ou en groupe comme ceux des Enfants perdu, des Indiens, ou des sirènes… Les chansons et la composition musicale des sœurs Casady interprétée par le groupe des Dark Angels confère à ce Peter Pan son caractère de comédie musicale. Mais bien sûr la marque de Bob Wilson est là et bien là. Se saisissant du texte de James Matthew Barrie écrit il y a maintenant plus d'un siècle (en 2004), il redessine séquence après séquence l'histoire, la transforme en une sorte de méditation onirique des plus réjouissante et de toute beauté. C'est réglé, comme toujours chez lui, avec une extraordinaire précision. Il y a ici quelque chose qui est de l'ordre de la virtuosité. Bob Wilson récite sa grammaire très personnelle, n'hésite pas à s'autociter… Cependant derrière la féerie se glisse comme un air de pure mélancolie ; c'est le propos de la deuxième partie du spectacle lorsque toute la compagnie se met à chanter "To die would be an awfully big adventure", petite phrase pas si anodine que cela et déjà prononcée dans la première partie. On se dit alors que la relation que Bob Wilson a toujours entretenu avec des enfants autistes a sûrement nourri son acte artistique qui est ici d'une incontestable et très belle réussite.

Jean-Pierre Han