Au cœur de la vie

Jean-Pierre Han

17 décembre 2013

in Critiques

La Bobine de Ruhmkorff de et par Pierre Meunier. Théâtre de la Bastille, jusqu'au 20 décembre à 19 h 30. Tél. : 01 43 57 42 14.

Jouons sur les mots, comme il ne cesse de le faire, et affirmons tout de go que Pierre Meunier est un poète de la scène… « matérialiste » ! Entendons par là qu'il aime à se colleter à la matière, à toutes les sortes de matière et de matériau. Le résultat c'est que les plateaux sur lequel il évolue, qu'il habite plus exactement, sont toujours encombrés d'objets et de machines étranges dont il va faire usage durant le spectacle, dans une relation toute de complicité et même, osons le terme, d'amour. À tel point qu'il parvient même à les faire vivre. Un simple coup d'œil sur les titres de quelques spectacles qu'il a élaborés pourra nous donner une idée de son travail très particulier car ils ont le mérite d'être parfaitement explicites : l'Homme de plein vent, le Chant du ressort, le Tas, Au milieu du désordre… Pierre Meunier est bien cet homme, égaré (les Égarés est le titre d'un autre de ses spectacles) qui ose défier les lois de la pesanteur, qui sait faire chanter les ressorts… et qui, dans la Bobine de Ruhmkorff à la suite de Sexamor, coréalisé avec Nadège Prugnard, s'engage sur le terrain de la question de l'attractivité, de l'aimantation entre deux êtres humains, du désir donc, le tout en interrogeant le langage et la matière même des mots, dans la lignée de Jean-Pierre Brisset, ce facteur Cheval de la grammaire…  Les scènes chez Pierre Meunier sont presque toujours des lieux d'expérimentation, celle de la Bobine de Ruhmkorff ne fait pas exception à la règle. On y retrouve pêle-mêle la reproduction de la bobine donc – clou de la (re)présentation –, mais aussi avec des objets métalliques, des ressorts bricolés, un petit échafaudage, des portiques tubulaires, un lampadaire, des projecteurs… le tout devant une toile peinte signée Catherine Rankl sur laquelle on reconnaîtra des porcs (en pleine extase ?), voilà pour un inventaire à la Prévert ! Mais en avant donc pour la série d'expérimentations assorties à chaque fois d'un monologue, à moins que ce ne soit le contraire. Car il s'agit bien ici de tenter de percer le mystère de l'aimantation entre les humains, de cette tension-aimantation qui provoque des étincelles… On est vite convaincu tant l'acteur Pierre Meunier, qui possède en lui un véritable poids d'humanité entre douce provocation et réelle pudeur, fait montre d'un talent de conteur étonnant, le sujet traité, « qu'est-ce que c'est ?», « qu'est-ce que sexe ?», toujours de grande (même unique) actualité.

Jean-Pierre Han

Le texte La Bobine de Ruhmkorff suivi de Sexe et tremblements est publié aux Solitaires intempestifs. 80 pages, 13 euros.