Maldonne

Jean-Pierre Han

19 novembre 2013

in Critiques

Élisabeth ou l'Équité d'Éric Reinhardt. Mise en scène de Frédéric Fisbach. Théâtre du Rond-Point à Paris, jusqu'au 8 décembre. Tél. : 01 44 95 98 21.

Romancier confirmé, Éric Reinhardt nous livre avec Élisabeth ou l'Équité sa première pièce de théâtre. Une pièce qui reste marquée par le sceau romanesque avec développement minutieux de la trame, celle mettant en exergue les tortueuses pérégrinations de la DRH, Élisabeth donc, d'un grand groupe industriel américain. Jusqu'au final qui fleure bon la bluette… Entre-temps rien ne nous aura été épargné de la vie professionnelle comme de la vie privée de l'héroïne. Convaincu jusqu'à l'enthousiasme, le metteur en scène Frédéric Fisbach parle à ce propos de « grande pièce épique contemporaine ». C'est, disons-le tout net, accorder à cette œuvre une qualité théâtrale que malheureusement elle est loin d'avoir. Éric Reinhardt semble avoir oublié que la parole théâtrale est plus rapide et incisive que la parole romanesque, et que tout peut fonctionner sur de simples signes. Il est par ailleurs plutôt paradoxal de constater que dans le même temps, les situations et les personnages de sa pièce frôlent la caricature. Les acteurs s'en donnent d'ailleurs à cœur-joie, notamment DJ Mendel dans le rôle du patron américain et Gérard Watkins dans celui du syndicaliste CGT… Entre réalisme et « bouffonnerie », on ne saisit pas très bien quelle partition entendent ou doivent exécuter les interprètes, ce qui, bien sûr, n'aide pas à l'homogénéité de l'ensemble. Un ensemble que traverse, perdue – est-ce le rôle qui veut cela ? – l'interprète principale, Anne Consigny.  Le monde de l'entreprise est devenu un sujet à la mode dans les sphère théâtrales. Certains jeunes auteurs comme Alexandra Badea, Magali Mougel ou encore Philippe Malone n'hésitent pas à l'aborder, mais à chaque fois en essayant de trouver une forme nouvelle les éloignant de toute tentation réaliste. C'est probablement ce qui manque à Éric Reinhardt pour qui la question de la forme ne semble pas se poser et qui reste accroché (englué) au réel…

Jean-Pierre Han