Chronique scénographique de Jean Chollet

Jean-Pierre Han

7 octobre 2013

in Chroniques

Jean-Marc Stehlé : provoquer l'imaginaire du spectateur

Scénographe, costumier, comédien, Jean-Marc Stehlé est décédé le 9 août 20I3 à Genève, où il est né en 1941. Il compte parmi les personnalités marquantes de la création scénographique européenne contemporaine. Après une formation de graphiste, son goût pour la peinture le conduit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Genève où il aborde également les arts plastiques, la sculpture, la gravure et la tapisserie. Sa passion pour l’opéra, lui fait découvrir l’univers de la scène dont il apprécie le collectif plus rassurant que « la solitude et la liberté créative du peintre ». Dans un premier temps il intègre le théâtre comme machiniste, à travers les spectacles des tournées Herbert-Karsenty en France et à l’étranger. Une pratique par laquelle Louis Jouvet déclarait « avoir tout appris du théâtre », qu’il met à profit en créant les décors de spectacles modestes avec des étudiants. Puis Jean-Marc Stehlé rencontre le metteur en scène romand Philippe Menta, qui lui confie la scénographie de ses créations du Théâtre de Carouges, commune en lisière de Genève, où il restera dix ans en se forgeant une solide expérience professionnelle. Au cours de cette période, il découvre en Allemagne les réalisations de Benno Besson avec lequel il souhaite très vite collaborer. Ce sera chose faite en 1982 à la Comédie de Genève, dont Besson prend la direction, avec en ouverture L’Oiseau vert de Carlo Gozzi. Une occasion privilégiée pour que le scénographe exprime l’originalité de sa création. Pour ce conte revisité, il installe un décor en constante métamorphose, composé de tissus matelassés évoquant une grotte avec des reliefs mouvants, à la fois inquiétants et féeriques, qui prolongent judicieusement les climats de la pièce. Cette installation témoigne des caractéristiques de la scénographie inventive de Stehlé, faite de refus du réalisme, de légèreté, et animée par des ressorts poétiques et oniriques qui marqueront l’ensemble de ses créations. Toujours en osmose avec Besson, deux réalisations, Le Dragon d’Evgueni Schwartz (1986) et Le Roi cerf de Gozzi (1998), lui offriront de nouvelles occasions d’affirmer de belle manière son esthétique, sa fine cohérence avec une œuvre et son apport de fonctionnalité avec le jeu des comédiens. Tout en poursuivant ses collaborations avec le co-fondateur du Berliner Ensemble, Jean-Marc Stehlé travaille notamment avec Matthias Langhoff pour l’opéra et le théâtre (Don Giovanni de Mozart, 1990, Le Désir sous les ormes de Eugène O’Neill, 1992), Coline Serreau ou Zabou Breitman et divers metteurs en scène européens. Par ailleurs, comédien apprécié au théâtre et au cinéma, il n’a cesser d’aborder la scène avec « des yeux d’enfants, pour suggérer sans imposer, en laissant l’imaginaire des spectateurs faire le reste du chemin. Transposer une réalité dans un cadre fixe pour moi, c’est le théâtre. »