Ubu de papier

Jean-Pierre Han

18 juillet 2013

in Critiques

Festival d'Avignon (off)

Übü Kiraly d'Alfred Jarry. Mise en scèe Alain Timar. Théâtre des Halles, jusqu'au 28 juillet à 11 heures. Tél. : 04 90 85 52 57.

Grande pièce de notre répertoire théâtral, même si elle née d'un pochade de lycéens, Ubu Roi aura connu au cours de son existence vieille de plus d'un siècle tous les avatars possibles et imaginables, l'un des plus mémorables étant la version présentée il y a déjà plus de vingt ans par le Nada Théâtre interprétée par deux comédiens et des… légumes ! Il faudra désormais ajouter à la longue liste des metteurs en scène qui se sont attaqués avec pertinence au chef-d'œuvre d'Alfred Jarry (on y trouve des personnalités comme Antoine Vitez ou Bernard Sobel) le nom d'Alain Timar, tant sa version concoctée avec des comédiens hongrois de Cluj, en Roumanie, est pertinente et jouissive. Ils sont douze comédiens sur scène en collants blancs, douze à interpréter à tour de rôle le Père et la Mère Ubu, et par intermittence quelques comparses. Douze qui savent tout faire : incarner les personnages dans un registre corporel très physique de farce, jouer d'un ou de plusieurs instrument de musique, danser… Douze comédiens qui nous embarquent sans coup férir dans la grotesque et violente charge d'Alfred Jarry, pourfendeur impitoyable des dictateurs et autres bouffons en quête de pouvoir. Le ballet d'ensemble est d'autant plus efficace qu'il est dirigé de main de maître par Alain Timar, lequel était sans aucun doute inspiré au moment du montage du spectacle : celui-ci fourmille d'idées, toujours drôles et justes, la première d'entre elle consistant à faire usage au vu et au su de tout le monde de papier – un grand rouleau où viennent se servir les comédiens trône sur la scène, et peut-être est-il, d'une certaine manière, le personnage principal – pouvant servir de décor et de costume, permettant de confectionner ventres (notamment la célèbre gidouille du père Ubu), arrière-trains ou seins postiches, de fabriquer quelques objets ou accessoires comme le fameux croc à phynances, etc. Des mille et uns usages de cette matière déchirable et débitable en petits morceaux Alain Timar et sa bande de comédiens font un usage inventif et drôle. Et comme le tout est mené tambour battant autant dire que la réussite est totale.

Jean-Pierre Han