L'élémentaire pensée de Houellebecq

Jean-Pierre Han

16 juillet 2013

in Critiques

Festival d'Avignon

Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq. Mise en scène de Julien Gosselin. Espace Bardi à Vedène.

Les très attentifs commentateurs du festival peuvent pousser un soupir de soulagement : ils ont enfin trouvé – il en faut un chaque année, c'est la règle – leur révélation de la présente édition. Comme de bien entendu, voilà qui tombe bien, il s'agit d'un tout jeune homme, Julien Gosselin, 26 ans pas plus, auteur de trois mises en scène en tout et pour tout, passé par l'EPSAD, l'École professionnelle supérieure d'art dramatique jusqu'à ce jour dirigée, mais plus pour très longtemps (Christophe Rauck doit lui succéder), par Stuart Seide. C'est au sein de cette école qu'il a rencontré sept camarades de promotion avec lesquels il a créé la compagnie au nom si doux, « Si vous pouviez lécher mon cœur »… Le jeune homme et ses camarades ont présenté Gênes 01 de Fausto Paravidino, une pièce qui relatait la violente répression qui s'était abattue sur les manifestants altermondialistes lors du sommet du G8 à Gênes en 2001. On les a un peu mieux connu avec leur intéressant et déjà prometteur travail, même s'il n'était pas dénué de défauts, sur Tristesse animal noir d'Anja Hilling. Stanislas Nordey les avait repéré avant de monter lui-même la pièce au Théâtre de la Colline à Paris, avec bien plus de moyens, ce qui ne rendait son spectacle pas plus passionnant pour autant que celui de la jeune équipe de Julien Gosselin. Mais voici donc, juste retour des choses, Julien Gosselin invité dans l'édition du festival dont Nordey est l'artiste associé (avec Dieudonné Niangouna). Vincent Baudriller et Hortense Archambault auront donc été très vite en besogne. Tant mieux. Julien Gosselin a beau expliquer très clairement les raisons qui l'ont amené à adapter le roman de Michel Houellebecq à savoir parler du monde, ce qui est pour le moins vague, s'attaquer au roman après avoir tâté du récit choral dans Gênes 01, puis de la confusion entre roman et dialogues dans Tristesse animal noir, tout cela pour finir par parler de la puissance poétique de l'écriture de l'auteur, on reste éminemment interrogatif sur son choix. Quel rapport politique, car enfin il faut bien parler de la dimension idéologique de la chose, entre le texte de Fausto Paravidino et celui de Houellebecq ? Ce que l'on voit sur scène, ce qui y est dit n'est guère ragoûtant. Du Houellebecq pur en somme, mais que l'on ne nous dise pas que c'est la description du monde après le « désastre idéologique de 1968 ». Si l'on veut se placer sur ce terrain-là, le roman est plutôt court. Ce ne sont pas les particules qui sont élémentaires, c'est la pensée de Houellebecq, si tant est qu'il ait réellement voulu faire œuvre de pensée ce qui n'est pas sûr du tout, qui l'est. Reste que c'est cela, semble-t-il, que l'équipe dirigée par Julien Gosselin tente d'illustrer au mieux. Elle le fait avec fidélité, cœur, énergie, mais sans vraiment de réelle novation (théâtrale) provocatrice, voire impertinente devant laquelle on pourrait s'extasier. C'est bien dommage.

Jean-Pierre Han

Joué du 8 au 13 juillet, le spectacle sera repris au Théâtre du Nord à Lille du 8 au 16 novembre, puis les 20 et 21 novembre au Théâtre de Vanves où avait été créé le précédent spectacle de Julien Gosselin, Tristesse animal noir.