Promenade numérique

Jean-Pierre Han

11 juillet 2013

in Critiques

Festival d'Avignon

Re : Walden d'Henry David Thoreau, mise en scène de Jean-François Peyret. Tinel de la Chartreuse, jusqu'au 11 juillet à 18 heures. Tél. : 04 90 14 14 14.

Faisons un rêve : celui de Montaigne revenant sur terre et poursuivant l'écriture de ses Essais. Il ne fait aucun doute qu'il n'ignorerait pas l'arsenal des technologies modernes, s'en emparerait même, et poursuivrait néanmoins sa démarche des Essais du même pas nonchalant, mais lucide et paradoxalement non dépourvu de nerf. À peu de choses près c'est, au plan théâtral, la démarche de Jean-François Peyret qui ne veut rien ignorer de ce que produit notre monde contemporain, mais poursuit sa réflexion liée à un plaisir de lecture indéniable. Il s'est cette fois-ci saisi du célèbre texte de l'américain Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois qui relate l'expérience de l'auteur parti vivre dans les bois près d'un étang dans une cabane construite de ses propres mains un beau jour de 1845 durant plus de deux années ; beau jour mais peut-être pas innocent puisque c'était le jour de l'Indépendance Day (n'oublions surtout pas que Thoreau est aussi l'auteur de la Désobéissance civile…). L'expérience de ces deux années et deux mois donna naissance à un livre composé de vingt chapitres qui ne se contentent pas de narrer l'expérience de l'auteur, mais livrent des réflexions, deviennent essais philosophiques, même si, dans Sept jours sur le fleuve notamment il n'a pas hésité à clamer la supériorité de la poésie sur la philosophie… C'est à cet ensemble un peu fou, hybride que Jean-François Peyret et son équipe se sont attaqués, avec un réel plaisir (ne serait-ce que dans la nouvelle approche de travail qu'il leur a fallu faire) que l'on retrouve sur le plateau devenu champ (chant) de vision à des pilotes devant leurs ordinateurs et autres machines électroniques, créant des images de synthèse, faisant entendre des voix artificielles, etc. C'est à une véritable promenade numérique, à la Montaigne justement, à laquelle le spectateur est convié. Et l'équipe joue, dans le sens plein du terme, avec un humour trop souvent absent dès lors qu'il est question de technologie moderne, et alors que le quatuor d'acteurs, Clara Chabalier, Jos Houben, Victor Lenoble et Lyn Thibault fait feu de tout bois (pardon pour le vilain jeu de mots), doublés, dédoublés qu'ils sont techniquement, sans oublier le rôle capitalissime du musicien Alexandros Markeas et les fameux « pilotes » techniques.

Jean-Pierre Han