D'un combat l'autre, du Liban à la France

Jean-Pierre Han

15 juillet 2012

in Critiques

Ma Marseillaise de Darina Al Joundi. Mise en scène d'Alain Timar. Festival d'Avignon Off. Théâtre des Halles, jusqu'au 28 juillet à 11 heures. Tél. : 04 32 76 24 51.

La silhouette gracile de Darina Al Joundi cache une force et une violence inouïes. Celles-ci avaient éclaté il y a deux ans dans Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter : un véritable choc et l'incontestable révélation du festival off. Depuis, le texte écrit au couteau par la jeune femme a été publié (chez Actes Sud) ; Darina Al Joundi l'a porté dans maints et maints lieux, et après deux ans de tournée elle revient au Théâtre des Halles avec Ma Marseillaise, toujours sous la discrète et intelligente direction d'Alain Timar. D'un spectacle l'autre, elle est passée du petit mais chaud espace de la Chapelle Sainte-Claire à la grande salle du Théâtre des Halles et son vaste plateau. Pour narrer la suite de son parcours de combattante. Car Darina Al Joundi a fini par quitter son pays natal, le Liban et ses cauchemars, pour se réfugier en France où commencera pour elle un cauchemar d'un autre ordre, celui de sa tentative de naturalisation. Retrouver à tout prix ce qui a fait le succès d'un spectacle est toujours dangereux : le risque d'être dans la fabrication pure est grand. On pouvait donc tout craindre de cette « suite » au premier travail de Darina Al Joundi. L'appréhension est vite balayée : il suffit de quelques minutes seulement pour retrouver toute la fraîcheur de la force combattante – un force de vie tout simplement – de la jeune femme qui prend possession de l'espace, l'habite véritablement. Alain Timar lui en aura donné les clés. Le choc est le même que pour Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter, d'autant que même en France, le Liban est toujours présent dans le corps et le cœur de Darina Al Joundi. S'ajoute simplement dans la narration de Ma Marseillaise une dimension presque comique due à l'aspect kafkaien de la situation de l'actrice. Le rire est plutôt amer, d'autant que le spectacle s'achèvera sur cette nouvelle toute fraîche : le rejet de sa demande.

Jean-Pierre Han