Le bête du Grévaudan

Jean-Pierre Han

21 décembre 2011

in Critiques

Le Retour du Grand Renard Blanc de et par Fred Tousch. Théâtre Le Montfort à 20 h 30, jusqu'au 14 janvier 2012. Tél. : 01.56.08.33.88   Le Retour du Grand Renard Blanc : le titre, un rien cérémonial et mystérieux, pousse forcément à la curiosité... d’autant plus lorsqu’il se voit souligné de la mention « Cabaret rock déjanté ». Quelle est donc cette chose étrange que propose le Monfort  en période de fêtes ? Un conte de Noël ? Une joyeuse comédie musicale ? Un concert de rock à tendance mystique ? Un élément de réponse surgit lorsque l’on pénètre dans la salle, véritable parc d’attraction de seconde zone. Des totems de carton-pâte encadrent la scène, tandis que des rongeurs empaillés montent la garde sur les cymbales endormies. Face aux tipis, les spectateurs prennent place sur une pelouse en plastique authentique. Le décor élaboré transpire le kitsch et l’artifice, pourtant, le soin apporté aux petits détails le teinte instantanément d’un ludique aussi régressif que jouissif. Fantaisie bon marché ou ridicule assumé ? Lorsque les artistes pénètrent sur scène, tout de franges vêtus, maquillage criard, pantomime caricaturale, le doute n’est plus permis : le spectateur sait alors qu’il sera mangé à la sauce du second degré. Les trois musiciens déclinent fièrement leur identité d’indiens Arapahoes : à la guitare, Ataow (François Boutibou), à la basse, Awami (Sébastien Quéméneur) et Pawoto (Laurent Mollat) à la batterie. Ils sont accompagnés des choristes/danseuses/potiches Sophie Deck et Hélène Larrouy, alias Michele et Jackie, figures typiques de la groupie texane sur le retour. Enfin, c’est dans un concert de tronçonneuses et de Harley Davidson que Jeumpier Camalessus, un Fred Tousch suffoquant de « beauferie », fait son apparition. Il faut imaginer un Elvis Presley quadragénaire, qui aurait grandi dans le Grévaudan (sic), où il aurait mené une flamboyante carrière de bûcheron sans abandonner pour autant sa passion du vrai rock’n’roll. L’effet est instantanément hilarant et ne s’érode pas tout au long du concert. On connaissait déjà Tousch pour son œuvre à la fois éclectique et cohérente, de la philosophie à la musique punk, en passant par l’organisation d’événements culturels saugrenus (la « Manif’ de droite » de 2003). Ce qui est confirmé ici, c’est sa capacité à ne rien prendre au premier degré et à faire feu de tout bois pour virer dans l’absurde. Si Fred Tousch et sa bande se montrent sérieux une minute, ce sera avec le fameux « sérieux des enfants qui jouent ». Ces adultes grimés et déguisés, en se déchaînant joyeusement sur scène, ne vous offriront rien d’autre qu’une invitation au jeu sans conséquences. Au fil de chansons pêchues, ils n’aborderont des thèmes comme l’écologie que pour les tourner en dérision ; de même, le conte du Grand Renard Blanc reste un prétexte auquel on n’accorde pas grand crédit. C’est peut-être la limite de ce spectacle : ses détracteurs diront qu’au-delà de son esthétique, il n’apporte rien, qu’il ne dit rien. Et pourtant, il suffit d’écouter les rires dans la salle, de regarder les visages des spectateurs qui en sortent, pour comprendre à quel point nous avons besoin de tels divertissements.

Chloé Vollmer-Lo