Une rareté

Jean-Pierre Han

5 décembre 2011

in Critiques

La Dernière bande de Samuel Beckett. Mise en scène et interprétation de Robert Wilson. Théâtre de l'Athénée, jusqu'au 8 décembre. Tél. : 01 53 05 19 19.

La cerise sur le gâteau : après la triomphale Lulu de Wedekind présentée récemment au Théâtre de la Ville, voici Krapp's last tape de Samuel Beckett (la pièce se donne en version originale) mis en scène et interprété par Bob Wilson himself. Un moment inoubliable que l'homme de théâtre américain nous offre et s'offre à l'occasion de ses soixante-dix ans, remontant ainsi sur les planches qu'il avait quittées il y a maintenant plus de quinze ans. C'était en 1995, dans un monologue autour d'Hamlet présenté à la MC93 de Bobigny… Le moment est donc rare dans tous les sens du terme. La surprise vient de ce que Bob Wilson demeure d'une fidélité absolue au texte que Beckett écrivit et traduisit lui-même en français (La Dernière bande). Une fidélité absolue jusque dans l'application des nombreuses et très précises didascalies de l'auteur, alors que dans le même temps il réalise (et interprète) une partition totalement personnelle, wilsonienne, telle qu'en elle-même ! Contradiction ou paradoxe ? Non pas, car ainsi, Bob Wilson investit l'œuvre de l'intérieur et la fait sienne. Et voilà cet étonnant personnage (Wilson et Krapp qui ont le même âge), clown blanc, comme le sont nombre de personnages de Samuel Beckett, décidé à fouailler le temps, présent et passé, confondus, séparés, retournés comme des gants. On sait bien que c'est là la matière même du travail du metteur en scène américain… qui en profite pour ajouter une partition sonore omniprésente – toute l'entame du spectacle notamment se joue à partir de cette partition signée Peter Cerone. Une écriture sonore qui trouve son équivalent visuel et dans le travail sur la lumière (de A. J. Weissbard) et, bien sûr, dans le travail corporel du comédien. Un art qui touche à la perfection tout en rendant hommage au grand Samuel Beckett.

Jean-Pierre Han