Clin d'œil jouissif et salutaire

Jean-Pierre Han

8 novembre 2011

in Critiques

Uccellacci e Uccellini. Clin d'œil à Pier Paolo Pasolini. Théâtre de la Girandole, jusqu'au 26 novembre, à 20 heures. Tél. 01 48 57 53 17

Du théâtre comme on l'aime. Tour à tour gai, joyeux, grave, spirituel. Réalisé avec quatre planches mais avec beaucoup d'esprit et d'inventivité, c'est l'art du théâtre retrouvé parce que débarrassé de ses oripeaux. Il est vrai que Luciano Travaglino, le metteur en scène, directeur de la Girandole, en choisissant de reprendre le texte de la comédie de Pier Paolo Pasolini, Uccellacci e Uccellini (Des Oiseaux voraces et des oiseaux doux et tendres) que l'auteur filma en 1965, joue sur du velours. Encore fallait-il qu'il trouve l'équivalent théâtral du film, qu'il demeure à une même hauteur de jeu et d'esprit, et qu'il en dégage la trame dramaturgique. Le sous-titre du spectacle, Clin d'œil à Pier Paolo Pasolini, dit assez bien l'humilité de sa démarche, une humilité teinté d'une légitime fierté. Au final le spectacle de Luciano Travaglino est d'une réelle fidélité au film de Pasolini, même s'il ne cherche en aucune manière à en être l'illustration ou pis la reproduction, même s'il fait usage de toutes les « ficelles » théâtrales. Le prologue, chanté et joué dans le hall du théâtre, donne pour ainsi dire le « la » de la représentation. Une représentation tout entière vouée au développement de la fable pasolinienne (car fable, enfin, il y a). Soit l'histoire d'un père et de son fils errant dans la banlieue de Rome. Le duo est accompagné ou plutôt suivi par un corbeau philosophe marxiste qui ne cesse de les harceler tout en se lamentant. Et voilà qu'au gré des histoires que narre le corbeau, père et fils se transforment en moines du XIIIe siècle essayant, à l'instigation de François d'Assise de révéler la parole de l'Evangile aux faucons et aux moineaux, soit aux grands de ce monde et aux petits… Échec et retour au vingtième siècle et à l'errance du père et du fils. Le corbeau est toujours là, encore plus accablé après la disparition de Togilatti, le fondateur et secrétaire du Parti Communiste italien qui initia la déstalinisation de son parti… Mais le père et le fils qui ont bien assimilé les leçons du corbeau, après leur quête initiatique au cours de laquelle ils auront rencontrés maints personnages et même un ange, mangeront le volatile discoureur ! Ce voyage (quasi) immobile est joué avec alacrité par Luciano Travaglino, soi-même, le père, accompagné de Gaëtan Guérin son longiligne de fils, suivi par le corbeau donneur de leçons, Jean-Pierre Léonardini, un trio gagnant qu'un autre trio qui se partage tous les autres rôles, Gatienne Engélibert, Karine Laleu et René Hernandez, tous réellement épatant met au mieux en valeur. Un véritable travail d'équipe pour une fable plus que jamais d'actualité.

Jean-Pierre Han