Les méandres de la vérité

Jean-Pierre Han

1 novembre 2010

in Critiques

Vérité de soldat de Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Mise en scène de Patrick Le Mauff. Grand Parquet à Paris. Du 4 au 28 novembre à 20 heures. Tél. : 01 40 05 01 50.

Le festival des francophonies en Limousin qui s’est tenu cette année du 23 septembre au 2 octobre derniers, a marché en synergie avec le 50e anniversaire des Indépendances africaines. Retour donc sur les années soixante et l’émergence de jeunes nations débarrassées du colonialisme et pleines de nouvelles espérances. Avec Vérité de soldat, un « docu-fiction théâtral » de BlonBa, mis en scène par Patrick Le Mauff, l’ancien directeur (de 2000 à 2006) du festival, sur un texte de Jean-Louis Sagot-Duvauroux d’après le livre de Soungalo Samaké, nous y plongeons totalement. Nous sommes au cœur du Mali contemporain où Soungalo Samaké, un sous-officier parachutiste qui arrêta lui-même le premier président de la République du Mali, Modibo Keita, et devint donc un des principaux acteurs de la répression menée par le nouveau chef d’état, Moussa Traoré, avant d’être arrêté et emprisonné à son tour, retrouve à sa sortie de prison un intellectuel progressiste, qu’il a lui-même torturé. Entre les deux hommes un surprenant rapport s’établit, le deuxième, Amadou Traoré, finissant par publier les mémoires de son ex-tortionnaire… Docu-fiction ? L’histoire est véridique. Elle nous permet de suivre les soubresauts de l’évolution d’un pays en voie d’émergence. Comme l’affaire est menée, à la fois en langue bamanan et en français, avec doigté et un vrai et discret savoir théâtral par Patrick Le Mauff, on est réellement captivé. Les trois acteurs Adama Bagayoko, Maïmouna Doumbia (le personnage de la femme née d’un viol collectif ressortit ici de la fiction) et Michel Sangaré sont tout simplement parfaits de retenue. Un spectacle éminemment politique, aux antipodes de la mode du bruit et de la fureur d’aujourd’hui, voilà qui est rare et mérite attention, malgré les quelques défauts (longueur, rythme) que les mauvais esprits ne manqueront pas de mettre en exergue, et qui, sans nul doute auront été gommés pour les représentations au Grand Parquet.

Jean-Pierre Han