Les clés de la vie

Jean-Pierre Han

4 septembre 2010

in Critiques

5 clés de Jean-Paul Wenzel. Mise en scène de l'auteur. Théâtre du Lucernaire à Paris. Jusqu'au 9 octobre à 21 heures.

Mais quels temps vivons-nous donc ? Retrouver Jean-Paul Wenzel, homme de théâtre complet, auteur, metteur en scène, directeur de troupes, puis de CDN (avec Olivier Perrier à Montluçon), acteur, pédagogue, que sais-je encore… le retrouver dans la plus petite salle du Lucernaire comme un jeune débutant, pour un spectacle de trois francs six sous pour ce qui concerne sa production s’entend, est à la fois surprenant (sur les mœurs théâtrales) et réjouissant au fond. Désir et amour du théâtre toujours chevillés au corps comme aux premiers temps, Wenzel nous livre avec un immense bonheur 5 clés commandées par la Comédie de Saint-Etienne en 2006, et écrites pour les comédiens de l’école. 5 clés ou cinq dialogues autonomes certes, mais comme le seraient les cinq doigts de la main. Car l’on retrouve dans ces courts dialogues la même qualité d’écriture, la même aptitude de l’auteur à peindre les émois de l’âme humaine qui ont fait le succès de sa première œuvre, Loin d’Hagondange qui, en près de quarante ans, a plusieurs fois fait le tour du monde. Sa peinture est sans apprêt ni fard, mais sans méchanceté aucune non plus. Fine et précise, elle pèse à tout instant de son poids d’humanité. Il y a là une véritable grâce si peu coutumière de notre temps rempli de bruit et de fureur. C’est merveille que Jean-Paul Wenzel ait repris à son compte ces 5 clés (en vérité quatre ici, la cinquième étant, selon ses dires, à chercher en nous !) avec sa propre équipe composée de Jade Duviquet, Thibault Vinçon, sa fille Lou, lui-même intervenant avec la même mesure, la même subtile discrétion que dans son écriture, lors d’un des quatre dialogue proposés. Toute la distribution joue d’ailleurs sur le même registre tout en finesse, tout en discrétion : c’est toute la palette des sentiments humains qui est ainsi évoquée dans une progression qui va des premiers émois de l’adolescence (Une odeur de chapelle) à l’entrelacement du désir et de la mort (La trêve), en passant par les troubles d’identité (L’intruse) et les blessures de la vie (Horizon incertain), le tout sur « quatre planches et pas grand-chose » comme disait Roger Vitrac. Ah ! le doux poison de la vie…

Jean-Pierre Han

  • 5 clés est publié aux Éditions Lansman (La Comédie de Saint-Étienne). 58 pages, 9 euros.