La marionnette et l'acteur

Jean-Pierre Han

20 juillet 2010

in Critiques

Le dernier cri de Constantin, Théâtre sans Toit, Espace Alya à Avignon à 12 heures 30, jusqu’au 31 juillet 2010. Tél. : 04 90 27 38 23.

Le Théâtre sans Toit poursuit depuis 1984 un chemin fait de théâtre et de marionnettes, de recherche, d'interrogations autour de cet art difficile à maîtriser, en perpétuelle évolution. Le dernier cri de Constantin, présenté à l'Espace Alya pendant le festival d'Avignon, porte en lui les interrogations toujours renouvelées de Pierre Blaise et de sa compagnie autour des questions de la transmission, de la marionnette, de l'acteur et du marionnettiste. Le « dernier cri », c'est celui de Constantin Stanislavski, grande figure du théâtre, autour de laquelle se construit le spectacle. Comment enseigner l'art de l'acteur à des marionnettes ? Pour répondre à ce paradoxe, sont en présence sur scène l'acteur Marc-Henri Boisse, le marionnettiste (un des plus talentueux de sa génération) Brice Coupey et Larissa Cholomova, actrice bilingue russe, formée à la marionnette, qui établit le lien entre eux. Ce trio retrace le parcours d'un élève pour accéder à l'art de l'acteur selon la méthode que Stanislavski mit une vie entière à écrire. Entre le langage de l'acteur et le langage des marionnettes, on voit peu à peu les écarts se creuser. Et pourtant cela fonctionne, le dialogue entre le « professeur » et ses « élèves » prend forme et l'on finit par comprendre où il mène. La palette de l'acteur que tente de faire émerger Stanislavski entre en résonance avec celle des marionnettes à gaine manipulées par Brice Coupey. Avec une gamme de mouvements très restreinte, la virtuosité de la manipulation est frappante. Cette maîtrise du marionnettiste met parfois les acteurs un peu dans l'embarras ; ils peinent à trouver leur place, à ne pas surjouer, emportés par des marionnettes qui n'utilisent pas les mêmes outils. Mais ces quelques écarts n'enlèvent rien à la réussite du spectacle. Le dernier cri de Constantin aborde un sujet délicat, tout en sobriété. Les couleurs des marionnettes et des panneaux à la façon de Malévitch apportent une belle esthétique à l'ensemble, et l'on ressort de là avec l'envie d'en savoir plus sur les rapports entre acteurs et marionnettes, entre Stanislavski et les marionnettistes.

Sidonie Han