Ouverture du festival en demi-teinte

Jean-Pierre Han

9 juillet 2010

in Critiques

Papperlapapp de Christoph Marthaler et Anna Viebrock. Cour d'honneur du Palais des papes à Avignon. 11,12,13,15,16,17 juillet à 22 heures. Tél. : 04 90 14 14 14.

Il y eut comme un air de l’édition 2003, celle de l’annulation du festival… avec grande banderole déployée devant l’entrée du Palais des papes en soutien aux sans-papiers, puis juste avant la représentation, la lecture par une comédienne, Agnès Sourdillon, d’un texte dénonçant la politique d’austérité de l’actuel gouvernement, et appelant à une grande manifestation le jeudi 15, puis encore l’interpellation par deux intermittents du ministre de tutelle qui se tint coi et s’éclipsa rapidement à la fin de la représentation… Il y eut comme un air de l’édition 2005, l’année de crépage de chignons entre soi-disant tenants d’un théâtre délibérément contemporain et donc totalement « postdramatique », et ceux accrochés à l’éternel théâtre de textes… Une fausse querelle recouvrant plutôt la médiocrité d’une certaine programmation. Malgré la mauvaise humeur qui se voulut tapageuse de quelques spectateurs, la représentation signée Christoph Marthaler (avec Anna Viebrock), l’un des deux artistes associés de l’année, pu se dérouler… tranquillement serait un bien grand mot, à cause des quelques râleurs ci-dessus mentionnés, mais aussi à cause du spectacle lui-même, collage de séquences plus ou moins ajustées les unes avec les autres, dans un tempo pas toujours adéquat. Faut-il s’en étonner ? Le titre même du spectacle Papperlapapp aurait dû nous mettre la puce à l’oreille ; en français il nous renvoie à « blablabla », « n’importe quoi » ou « ce n’est pas sérieux »…, sans compter que la sonorité du terme évoque inéluctablement une histoire de papes telle que nous la retrouveront tout au long de la représentation. Car il est bien question de cela – sur le seul plan d’une visibilité ou lisibilité auquel tout le monde veut encore s’accrocher – d’une histoire de papes et de religion : à ce niveau pas de problème, le talent teinté d’un humour toujours décapant de Marthaler et de ses comédiens, tous formidables et parmi lesquels on retrouve avec plaisir Evelyne Didi et Marc Bodnar, fait merveille. La charge aux accents parfois felliniens fonctionne à merveille. Pour le reste… retour au titre tellement évocateur en forme de clin d’œil. C’est que ce spectacle qui ne sera donné qu’au Palais des papes, et qui a donc été conçu pour lui, est une commande dont Marthaler qui travaille pour la première fois en plein air ne sait apparemment pas trop comment se dépatouiller. Il fait donc confiance à son imagination et à son talent (qui sont immenses). Confiance à la co-signataire du spectacle, Anna Vibrock qui assume la lourde tâche d’habiter la Cour d’honneur du Palais des papes : elle y parvient comme c’est rarement le cas ici, mais est-ce suffisant ? Confiance à toute l’équipe et notamment au responsable de la musique et du son. Et là, bien sûr, Marthaler qui vient de l’univers de la musique est comme un poisson dans l’eau. Est-ce toujours suffisant ? On ne sait, car même si c’est une de ses habitudes que de travailler sur la temporalité – le déroulement du spectacle avec ses redites volontaires, ses temps morts, ses différents tempos, ses chevauchements de thèmes… – il n’est pas sûr que celle-ci, ici soit parfaitement maîtrisée ou soit le fruit d’une réelle volonté du metteur en scène. Quelque chose (du côté de la dramaturgie, à laquelle a participé l’autre artiste associé, Olivier Cadiot ?) cette fois-ci, lui échappe encore que les prochaines représentations lui permettront peut-être de maîtriser un peu mieux.

Jean-Pierre Han