Pour saluer Alain Ollivier

Jean-Pierre Han

24 mai 2010

in Chroniques

C’est au Salon de l’édition théâtrale qui se tenait ces derniers jours place Saint-Sulpice à Paris, que j’ai appris la disparition d’Alain Ollivier à laquelle, hélas, je m’attendais depuis quelque temps, connaissant son état de santé. Apprendre cette nouvelle lors d’une telle manifestation a pour moi une valeur hautement symbolique car Alain Ollivier aura été sa vie durant un homme toujours préoccupé de poésie dramatique et de grande littérature. De la plus haute exigence toujours. Il travaillait lors des derniers moments de sa vie, alors que la maladie le torturait, au projet de mise en scène de la « La Trilogie des Coûfontaine » (L'Otage, Le Pain dur, Le Père humilié) de Paul Claudel, dont Le Partage de midi qu’il avait monté en 1993 reste encore dans nos mémoires. Lecteur fin et très attentif, il ne pouvait pas ne pas en passer par Jean Genet, Kateb Yacine, Thomas Bernhardt, allant dénicher, dès 1986, Witkiewicz dont il monta La Métaphysique d’un veau à deux têtes. Mais surtout il demeure celui qui osa, dès 1973, aller jusqu’au bout de l’aventure de Bond en avant de Pierre Guyotat, pas encore très connu à l’époque, récidivant plus tard avec la mise en scène de Bivouac (1983). Que l’on ne me dise pas, comme le firent certains de ses détracteurs – il en eut lorsqu’il dirigea le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis de 2001 à 2007 – qu’il n’était qu’un metteur en scène de plus à ne s’intéresser qu’aux classiques, à ne pouvoir être dans la novation. Alain Ollivier savait les traiter avec finesse et intelligence ces classiques (son dernier spectacles est un fort beau Cid) ; il savait aussi aller dénicher des œuvres classiques singulières comme celle d’un Villiers de l’Isle-Adam), mais il savait aussi aller y voir du côté des grands novateurs de notre époque, et Pierre Guyotat dont il était l’ami, en est incontestablement un. Toute son action, notamment su Studio-Théâtre de Vitry qu’il a dirigé de 1983 à 2001 l’atteste. Le seul problème, signe de notre temps, c’est qu’il ne le fit jamais dans l’ostentation, la fausse provocation, déclarations tapageuses à la clé… Acteur, il a « piétiné la scène » (c’est le titre d’un recueil de ses textes parus au Seuil/Verticales en 2002) avec les plus grands, Sobel, Planchon, Brook, Lassalle, Vitez… Il a toujours été, je le répète, un serviteur fidèle des plus grands poètes dramatiques comme l’a justement souligné Bernard Sobel lors d’un débat du Salon, ajoutant, et je suis aussi d’accord avec lui sur ce point, que sa disparition marque sans doute la fin d’une époque de notre théâtre, et que la conscience de la fin de cette époque n’est pas non plus tout à fait étrangère à sa fin.

Jean-Pierre Han

Voir la notice le concernant dans le Dictionnaire encyclopédique du théâtre (Bordas)