Histoire d'exil

Jean-Pierre Han

15 mars 2010

in Critiques

Les Suppliantes d’après Eschyle. Mise en scène Olivier Py. En tournée. Tél. : 01 44 85 40 40.

Olivier Py, le directeur du théâtre national de l’Odéon, nous offre, avec Les Suppliantes d’après Eschyle, un spectacle tel que l’on en rêve dans un théâtre de service public. De quoi s’agit-il ? D’une tragédie antique, qu’il a lui-même adaptée et mise en scène, avec seulement trois comédiens, Philippe Girard, Frédéric Giroutru et Mireille Herbstmeyer, et sans aucun décor. D’où une certaine esthétique faite de rigueur et d’intelligence, sans bavardage aucun, mais avec une pensée forte qui nous parle directement aujourd’hui, quelques siècles après son écriture. Cette pensée est tout entière contenue dans le sujet même de la tragédie. Les cinquante femmes représentées par une choreute refusent d’épouser, contraintes et forcées, leurs cinquante cousins, fils d’Egyptos. Elles fuient sous la conduite de leur père et demandent asile et protection au roi d’Argos, le pays de leur aïeule. Le roi les interroge puis hésite à les accueillir par crainte d’une guerre avec les fils d’Egyptos. Les femmes insistent et évoquent les droits de l’hospitalité. Après consultation (démocratique) auprès de son peuple le Roi finit par leur accorder l’asile… Ce simple, et très succinct, résumé de la pièce, renvoie bien évidemment à maintes situations que connaissent nos sociétés contemporaines, et cela sans qu’il soit nécessaire d’ajouter un quelconque commentaire. Olivier Py, dans son adaptation, a d’ailleurs plutôt taillé dans la pièce sans pour autant l’altérer ; il lui reste parfaitement fidèle avec les personnages de la choreute (Mireille Herbstmeyer), du père (Philippe Girard) et du roi d’Argos (Frédéric Giroutru). Costumes sombres intemporels, les trois comédiens que l’on a plaisir à retrouver jouent avec une belle sobriété qui affermit encore l’intensité dramatique de la pièce que l’on a longtemps considérée comme étant une des premières du dramaturge grec.

Jean-Pierre Han